Bizarrement, je ne me souviens plus de ma grand-mère de La Turballe, ma grand-mère paternelle, malgré une place de préféré auprès d’elle à ce qu’on m’a rapporté bien plus tard. Je revois la grande maison cubique de la « Grande-douve » – j’ai été surpris bien plus tard de la constater si petite, difficilement capable d’abriter les onze tantes et oncles qui y avaient pourtant logé, sans doute pas tous en même temps, les aîné(e) ayant dû quitter le nid pour faire de la place et commencer à gagner un peu de sous pour eux-mêmes et pour la famille.
Je devais avoir quatre ou cinq ans. Les images qui me restent sont celles d’une dame légèrement souriante, la coiffure argentée dressée en chignon, plutôt assise tandis que l’ainée de mes tantes s’employait pour tous. Je revois cette dernière en train de laver la vaisselle à l’eau bouillante produite par la cuisinière à charbon, la lavette offrant une maigre protection contre l’ébouillantement des mains.
Je me souviens d’avoir manipulé des osselets, sans doute de vrais ossements d’animaux, dans une sorte de jeu dont j’ai dû toujours ignorer les règles. Une scène d’épouvante s’est gravée dans ma mémoire le jour, où, la pluie tombant à verse, un monstre m’est apparu cavalcadant sur la route : « Un orage ! Rentrons vite ! » a crié la tante déjà citée ; j’ai compris bien plus tard, trop tard sans doute, que deux personnes courant l’une derrière l’autre sous le même imperméable n’est pas un monstre qu’on aurait appelé orage.