Petites frondes au collège

Je ne me souviens plus quelles raisons ont incité mes parents à me mettre en pension pour ma quatrième au collège Saint-Jean-Baptiste de Guérande. J’étais sage et j’avais de bons résultats … peut-être pour libérer un peu la maison et accorder plus de temps à mes frères, les jumeaux ? Je ne m’en souviens pas en tout cas comme d’une année pénible, ni même comme d’une année de rupture. Je revenais chaque week-end à la maison, ce qui n’était pas le cas de tous les pensionnaires puisqu’une certaine « bonne conduite » conditionnait la permission de sortie. Je crois bien n’avoir été retenu qu’une seule fois, peut-être pour mon entêtement à refuser d’apprendre par cœur la liste des départements, non que j’en étais incapable mais parce que je ne le voulais pas, na ! Le dimanche de ce week-end un peu spécial nous a vu marcher jusqu’à Pen Bron – ce qui fait quand même une bonne petite trotte – où, à défaut de nous baigner, nous avons pu gambader sur la plage et dans l’eau. Je revois encore l’élève de la 4ème A, un certain Neveu, revenir de l’eau assez profondément blessé pour avoir couru sur un des très nombreux « couteaux » fichés verticalement dans le sable fin à certaines heures de la marée.

Il est possible que la pension m’ait rendu un peu bêtisier, le petit bricoleur qui était en moi s’ennuyant de ne plus avoir sous la main comme à l’atelier paternel de quoi occuper ses mains et son esprit. J’en ai une illustration bien précise. Nous avions inventé de nous bombarder les uns les autres, dans le dos des profs, de petits projectiles en papier. Pas que du papier rapidement mâché et introduit dans la tige bien droite d’une pointe bic utilisée comme sarbacane, non. Nous pliions un bout de feuille de papier pour faire un objet de quelque 5×20 mm et qui, plié une dernière fois en deux pouvait se pincer sur un élastique tendu entre le pouce et l’index et donc constituer un projectile. J’ai dû trouver un jour que la chose était améliorable. Avec les rayons de vélo dont mon père possédait toutes les sections et longueurs, j’ai confectionné comme de petits lance-pierres adapté à nos projectiles. Et pour que ça soit plus marrant, j’en ai distribué une dizaine aux élèves demandeurs de ma classe. Ça faisait mal, surtout quand le papier bien dur vous arrivait derrière les oreilles. Et rétrospectivement, je dirais même que c’était potentiellement dangereux. L’affaire dégénéra rapidement en bataille rangée un soir au dortoir. Peu après l’extinction des feux et le retrait du surveillant dans sa chambrette, les armes sont sorties du dessous des matelas et les projectiles ont volé. La plus grosse partie de ma fabrication fut découverte et bien sûr confisquée. J’ai gardé mon lance-boulette personnel bien longtemps sans jamais plus oser l’utiliser. Un miracle sans doute : je ne fus jamais inquiété.