Premiers pas de danse

    La danse de salon me fournit une entrée comme une autre dans cette « histoire de ma vie ». Colette, qui m’accompagne depuis août 1968 – ça je m’en souviens en sachant que je confonds volontiers le 3 et le 4 à cause de l’école et de sa « nuit du 4 août » – Colette, donc, est rentrée à la maison voilà cinq ou six ans déjà en me disant avoir rencontré un prof de danse dynamique, sympathique et tout et tout. Pourquoi pas ? … Le temps de la retraite est un temps libre à occuper agréablement et utilement ; la danse semble pouvoir être une pratique agréable, délicatement sportive et fortement psychotonique. L’objection que cette proposition allait bloquer une soirée hebdomadaire sur un agenda jusque-là uniquement saupoudré de rendez-vous ponctuels décidés ou choisis au coup par coup restreindrait d’une certaine façon ma liberté de retraité n’a pas suffi à ne pas décider positivement : nous tenterions l’expérience.

    La danse ne m’est pas naturelle. D’une façon générale, il me semble toujours avoir eu des problèmes avec ma présence « à vide » en public : je ne sais pas sur quel pied danser quand je n’ai pas de raison de m’afficher, soit qu’on ne m’en ait pas donné, soit que je ne m’en sois pas trouvé. Lors d’une soirée étudiante sans les années 65, je crois me souvenir d’avoir boudé la piste de danse en m’excusant benoîtement. « Pardon, je le sens pas pour le moment … un jour sans doute … ». C’est peut-être ensuite que je me suis procuré un petit livret pour débutant recensant les pas de quelques danses. Tout petit, minuscule, bien loin même de « La danse pour les nuls ». Ou bien c’est avant si je repense à cette époque de mes 16-18 ans où les mariages étaient nombreux dans la famille, avec leurs bals bon enfant prolongeant un repas interminable. Je revois encore les petits dessins, suites de quatre empreintes de pas sur la page blanche, noires pour le danseur, blanches cerclées de noir pour la danseuse. Pas de liens dans ces suites tels qu’on pourrait en trouver maintenant dans les constructions informatiques, il fallait imaginer les transitions – mouvements et déplacements – entre les positions représentées. Des quelques essais d’apprentissage réalisés alors ne m’est restée vraiment que la valse, au pas de base simplissime aisément reproductible pour peu qu’ait été acquis une vitesse d’exécution suffisante ainsi qu’un déplacement contrôlé autour de la piste de danse. Cette micro autoformation m’a certainement procuré à l’époque un début d’aisance dans ce domaine sans pourtant me donner suffisamment de contenance pour que j’y trouve de l’intérêt : je n’avais rien à contenir, trouvant peu d’utilité à ces gestes plus ou moins syncopés, plus ou moins répétitifs, aux accents quelque peu grégaires et, au vu de tous ces aspects, vraisemblablement hors de ma nature. Une nature qui promenait de plus dans ma petite tête depuis mes années adolescentes un étendard à la Brassens : « Quand on est plus de quatre, on est une bande de cons » ; alors, une piste de danse …